Concrètement, dans les faits, oui, il s’est passé des choses :
un j1 avec 8 jours d’avance, une piqûre de décap à j2 selon les instructions, mais qui s’est avérée un peu prématurée, ben oui, on n’avait pas prévu cette avance…Une 2ème décap à faire en conséquence le 29 août, une petite frayeur, mais rien de bien méchant au final. Un mal aux reins qui me titille, je pense que j’ai pas assez bu, mais, « tu calcules » me dit Fabi…
Et c’est vrai qu’iI se passe aussi des choses derrière le rideau, dans les coulisses de mon esprit.
Je ne peux pas le nier et je pense même que ça doit m’inciter à réfléchir.
Je m’explique.
Je lis régulièrement depuis longtemps des réflexions sur le don d’ovocytes, sur la question de la maternité dans ce contexte, de ce que l’on dira à l’enfant, etc.
Moi, j’ai l’impression que le chemin est fait, mais il s’agit peut-être, voire sûrement, que d’une impression. Je porterai cet enfant, il est (oups, sera) notre enfant, et le reste n’est qu’accessoire, car l’essentiel est dans l’ à venir, et passe par l’amour et l’éducation que nous offrirons à notre tout petit et je n’ai aucun doute là-dessus. Et je suis très sereine, très confiante. Hum…
Seulement voilà, le rêve de la nuit dernière me rappelle à ma propre histoire et me donne une petite leçon de réflexion.
Je n’ai jamais raconté sur ce blog mon histoire, elle a longtemps été une honte, une épine dans mon corps et je tiens peut-être là, la chance de passer à autre chose, de l’assimiler en transmettant à notre enfant à venir une histoire claire, dépourvue des miasmes qui ont collé à ma peau…
À la lecture de cette histoire, vous me direz qu’il n’y a aucune honte à avoir, et l’adulte que je suis en est bien consciente, mais il faut l’avoir ressenti enfant pour le comprendre…
Je vais tâcher de faire simple et court. Mais comme c’est impossible, ce sera « basique ».
Ma « mère », disons plutôt celle qui m’a mis au monde, était la dernière d’une famille nombreuse. Choyée par ses parents, maintenue dans un cocon, elle était, paraît-il, un peu simplette. Elle s’est mariée néanmoins et a eu de nombreux enfants, elle… Hélas, aucun n’est resté auprès d’elle. Tous ont été placés dans des familles d’accueil. À l’exception de deux : mon frère de dix ans mon aîné, et moi-même qui, par chance, avons été recueillis et élevés par notre tante et oncle qui n’avaient pas d’enfant (tiens…).
Je n’en sais guère beaucoup plus. Il y a toujours eu beaucoup de secrets et de non dits dans cette famille, une sorte de honte collective, dont j’ai du hériter. Retirée à ma mère biologique à deux ans car mes grands-parents décédés, elle fut placée dans un centre spécialisé, je fus d’abord une enfant sauvage, craintive, timide, grandissant dans la peur de perdre ma mère, cette tante qui n’a été que ma mère, chérissant mes parents, adulant mon frère aîné, sachant toutefois qu’une femme inconnue m’avait mis au monde et qu’il fallait aller la voir une fois par mois, je détestais ça.
Paradoxalement, J’avais aussi honte de ma mère, plus parce qu’elle était plus âgée que les autres mamans, que parce qu’elle n’était pas ma vraie maman. Je ne racontais bien sûr mon histoire à personne. Mes parents étaient mes parents et j’avais un frère. Point. À l’adolescence, nouveau drame, j’apprends que j’ai d’autres frères et sœurs (car, je ne le savais pas) à l’occasion du mariage de cet autre grand frère… Je ferais un rejet pendant longtemps, fuguant même le jour du mariage…
Aujourd’hui, mes parents restent mes parents, mon père biologique ne m’intéresse pas, pas plus que mes autres frères et sœurs, à l’exception d’une qui a su nouer des liens. Mais l’affection n’est pas la même… Alors les liens du sang, vous imaginez ce que j’en pense…
Elle a été lourde mon histoire, une sorte de poisse qui colle, laisse des traces. Une empreinte familiale pas très glorieuse. C’est le mystère, le silence, les secrets qui ont fait le plus de ravages. Pourtant, j’ai eu une enfance vraiment chouette. J’adorais mes parents. Je savais qu’ils ne m’avaient pas fabriquée, mais ils étaient mes parents et je les aimais plus que tout (ils sont morts d’où l’emploi du passé).
C’est pourquoi, j’ai confiance avec la fiv do et ne me pose pas trop de questions. mpm sera vraiment le père et moi, je serai sa mère, je l’aurais porté dans mon ventre. Il ne me ressemblera pas mais il aura l’essentiel, de l’amour, des parents.
Compte tenu de mon histoire, ci-dessus très abrégée, il est facile de comprendre que je me suis souvent sentie différente, pas normale, que j’ai toujours rêvé de fonder une famille « normale », de rompre avec mon passé. Mais j’en ai fini avec ces rêves-là. L’histoire s’écrit dans toutes ses dimensions et particularités, la norme n’existe pas, voire elle est sans intérêt. A moi de dire à la petite fille que j’étais que cette histoire est mon histoire et qu’elle a ses richesses. Et l’adulte que je suis tache de construire aujourd’hui quelque chose de fort, de grand, dans l’amour. Et il ne peut rien y avoir de plus beau. Notre enfant aura aussi sa particularité et ce ne sera pas une honte. Il saura tout. C’est ce que je veux lui apprendre. J’espère avoir l’occasion de lui apprendre.
Bien qu’un peu frustrée par cet abrégé d’histoire, trop succinct, mais je n’ai pas non plus envie de m’étendre, j’en viens à ce rêve qui est à l’origine de cet article.
Pour rester au plus proche du ressenti, je retranscris seulement mes notes prises sur le vif, sur un réveil en sursaut, sur une phrase que je hurle et qui me secoue, à moitié endormie et haletante (ça vaudra ce que ça vaudra…)
REVE pris en note en pleine nuit :
mon inconscient me parle de filiation et de lien du sang.
» Je le sais toujours pas qui est mon père, et toi non plus ! pauvres cons ! »
Je m’adresse à mon frère, et à un certain P. qui a dit en déconnant à un inconnu « elle savait même pas qui est son père. »
Et les deux de s’esclaffer.
Je suis alors en train de dessiner au fusain, un tracé noir et dense, quelque chose de soutenu que je regarde sans faire attention à mes interlocuteurs.
Je m’écarte d’eux en entendant cette affirmation qui sort comme ça, soufflée, choquée, je murmure, « tu aurais pu me prévenir que tu dirais ça »
Ce n’est pas le père inconnu qui me révolte, c’est la façon dont on parle de moi à un inconnu, sur quelque chose d’intime.
Ensuite, c’est la question de le dire qui se pose.
Oui, mon petit trésor, tu sauras d’où tu viens, et comment.
Car il y avait une honte sur moi, en moi, non pas de ne pas savoir mais de ne pas être comme les autres
Avant cette scène, j’étais en voiture, perdue dans la nuit, saoule, endormie.
Roulant dans une campagne noire et déserte. Je croise une voiture et vois qu’elle vient d’une zone ou la route est ondulante, comme de l’eau couverte de terre, de vase.
Je fais demi-tour
Avant ça encore, il était question d’un hôtel, avec mpm, on est dans un lieu très beau, très confortable, que je trouve magnifique, je lui dis, c’est mon endroit idéal. Il y fait bon, chaud, les couleurs sont chaudes, dorées, c’est chic mais pas trop, il y a du marbre rose au sol, veineux, des colonnes, c’est très lumineux.
C’est un hall d’accueil, tout en longueur »
Là s’arrête la retranscription de mon rêve…
En me relisant, je m’interroge sur cette retranscription que j’ai faite à l’envers, mais c’est sûrement parce que j’ai commencé par le plus présent à mon esprit et le reste a découlé.
Je m’interroge aussi sur ce dessin noir, cette route noire et mouvante, le demi-tour. Sur ce lieu idéal (mais là, je pense à mes échanges avec Fabi, à moins que ce hall d’accueil ne soit mon ventre mais pourquoi le noir ensuite et le demi-tour… Et le mot père plutôt que mère… Pas innocent non plus sûrement… Et le côté très sombre de cette nature déserte qui contraste avec ce lieu construit et lumineux (un corps vide par nature qui sera habité par la main de l’homme?)
On peut en faire des interprétations…
Une chose est sûre, ça travaille là-dedans, mais pourvu que ça travaille dans le bon sens !!!!